Des belles-de-nuit.
Par
une journée printanière du mois de janvier, le soleil s'est levé du mauvais
pied et le vent soufflait comme un ancien fumeur. Assis tout seul comme
d'habitude, j'ai décidé de relire "À la recherche du temps perdu " de Marcel Proust. Sans tremper ma madeleine dans une tasse de café,
j'ai erré dans un univers de pensées angoissantes et traumatisantes. Cette
tumultueuse réminiscence n'était pas le produit d'une psyché coupée en huit ou
d'une cervelle en métastase, en vérité, c'était à cause d'un long discours mené
par trois femmes autrement dit trois corpuscules. Habillées en tenue
typiquement marocaine notamment une djellaba et un foulard couvrant la moitié
des cheveux au risque d'attraper une migraine à cause du vent. Comme elles
savaient inconsciemment que je ne suis pas un pro fumer-tue, celles-ci commencèrent à fumer jusqu'au point où la silhouette d’Hasina devint une
statuette immobile dont la seule fluctuation était de faire sortir un garrot du
paquet de gauloiserie. Hasina fut l'unique prénom que j'ai pu garder en mémoire
car elle était la patronne du trio. Dotée d'une voix cassée à force de
consommer moult drogues, des cheveux châtain clair couleur Viking, des lèvres
pulpeuses, des sourcils volumineux et une éloquence cynique. Dès qu'elle a
commencé à parler, je me suis transporté en Grèce antique, là où Diogène
improvisait ces discours théâtraux en faisant de l'amour avec lui-même. Cette
femme évoquait sans arrêt ses aventures nocturnes dans la ville de Fès entre
clients fidèles, d'autres avares et ceux qui la considéraient comme aimante et
princesse. L'organigramme de ce métier oblige la sous-traitance de cette
activité aphrodisiaque, d’où la nécessité de déléguer une nuit de sismicité à
une amie ou collègue. Ses deux compagnonnes n'étaient guère satisfaites du
déroulement de ce gagne-pain ; oui un gagne-pain pour celles qui ont été
négligé par des lâches pseudo-hommes. Fatima la "pute", ainsi
l'appelait le trio, demeure la vilaine de leur imaginaire commun ; un
imaginaire de lingerie, de parfum et surtout d'argent. Devant un spectacle
pareil, j'ai cédé mes sens au péché de curiosité en pratiquant le métier de
journaliste sauf que cette fois-ci, mon âme était complètement crispée et
martyrisée. Hasina et compagnie, n'avaient pas le droit de crier haut et fort,
d'exprimer leur dégoût, leur tristesse et à quel point ; les vautours du
microcosme sociétal tiraient profit de leur vulnérabilité existentielle.
"Qu'elle aille se faire enculer", dixit Hasina sans cesse à l'égard
de ladite Fatima. Leur discours devint de plus en plus vulgaire et inondé par
un lexique de débauche, de femmes traitées comme des curées et charognes. Au
coucher du soleil, un homme vint négocier avec la plus jeune d'entre elles,
celle qui était taciturne, timide et qui parlait un langage silencieux en
exprimant en catimini " le monde est cruel cher étranger". À ce moment-ci, j'ai
ressenti l'effet d'une gifle, déstabilisé par cette voix suave et féminine ayant
transpercé mon corps, son regard pointu et timide signifiait que tout au long
de leur discours, cette petite rose observait ce que j'étais en train d'écrire,
sans m'arrêter, elle vous adresse ce petit message : " le monde est cruel ! Femme ou homme, pauvre ou riche, inique
ou juste ; l'amertume de l'existence est un destin pour tous."
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